Le marché de la lingerie, estimé mondialement a plus de 110 milliards de dollars en 2014, reste aujourd’hui encore plein de perspectives. Mais on observe depuis une dizaine d’années qu’il est sujet à de grands bouleversements, à la fois liés à la vision de la femme qui est associée à la lingerie et aux nouvelles habitudes de consommation des clientes.
LE DÉCLIN PROGRESSIF DU SEXY « À LA VICTORIA’S SECRET »
Dissimulée sous les vêtements, ou révélée à travers ceux-ci, la lingerie est traditionnellement vue comme une parure destinée à séduire : ce n’est pas un hasard si la Saint-Valentin est une période de pic de ventes pour les principaux acteurs du secteur. L’une des marques représentant le plus ce symbole de la « femme sexy », c’est Victoria’s Secret.
Le Victoria’s Secret Fashion Show et ses Victoria’s Secret Angels
Toujours dominant sur le marché de la lingerie aujourd’hui encore, l’enseigne a longtemps participé à construire l’idéal populaire de beauté : femmes minces et élancées, vêtues de dessous galbants en dentelle, soies et froufrous… C’est ainsi qu’a souvent été représentée la lingerie, pour les femmes qui la portent, et pour leurs partenaires admirateurs. Le succès de cette représentation est très ancré culturellement : avant son arrêt en 2019, le Victoria’s Secret Fashion Show était un spectacle incontournable du petit écran, et on sait à quel point les publicités Aubade et autres pages lingerie de La Redoute ont marqué une génération…
La lingerie est traditionnellement destinée à attirer/séduire un éventuel partenaire : la lingerie c’est pour être « sexy ». Les marques dont la raison d’être était entièrement fondée sur la séduction à la Saint Valentin sont donc naturellement en retrait.
Mais désormais la donne a changé, et là encore, Victoria’s Secret peut en témoigner. Souvent accusée de véhiculer une image uniforme de la femme, parfois d’appropriation culturelle lors de ses défilés, et pointée pour les remarques sexistes proférées par son directeur marketing Ed Razek, la marque a été contrainte d’annuler son défilé annuel qui perdait progressivement en audience et son positionnement s’avère être de plus en plus éloigné des tendances actuelles, à tel point que l’entreprise a été revendue par sa maison mère en février dernier, et son fondateur et PDG Lex Wexner a quitté ses fonctions. Si la marque garde sa place de leader, cela démontre qu’un changement est bel et bien à l’œuvre dans le monde de la lingerie. En effet, au même moment, des « newcomers » comme Savage x Fenty, la ligne de lingerie de Rihanna, font le buzz, en proposant un défilé anti-VS en streaming sur la plateforme d’Amazon, où figurent femmes enceintes et top modèles plus size.
SE PLAIRE PLUTOT QUE PLAIRE 
Le croissant désamour pour la lingerie telle que proposée par Victoria’s Secret et consorts s’explique par une évolution des attentes des femmes : leur lingerie ne sert plus qu’à être admirée, elle doit correspondre à leur physique et être confortable. Ce phénomène se constate d’ailleurs concrètement, par exemple à travers la baisse des ventes de strings, au profit des culottes taille haute (en 2014, le NDP Group observait une baisse de 7% des unes et une hausse de 17% des autres). De même, quand elles n’adoptent pas le mouvement #nobra, les jeunes femmes préfèrent davantage les soutiens-gorges sans armature, plus confortables et moins contraignants.
À l’ère de l’empowerment et du « body positivism », de plus en plus de marques fleurissent donc en véhiculant un message bien différent des fabricants traditionnels. Qu’il s’agisse d’Aerie, l’enseigne lingerie de American Eagle, ou de la ligne de Rihanna Savage x Fenty, les nouveaux entrants du marché de la lingerie font des sous-vêtements un élément clé de l’acceptation de soi, et cela s’observe dans leur stratégie marketing. Ils élargissent leurs palettes de tailles au plus size, créent des dessous « nude » pour toutes les carnations, exposent dans leurs publicités des mannequins non retouchées, vergetures bourrelets apparents…
Nubian Skin, une marque proposant des sous-vêtements chair adaptés aux peaux noires et métisses
Pour la première fois, l’industrie de la lingerie ne vend pas du rêve, mais reflète directement l’image de la clientèle qu’elle vise. En effet, jusque dans la forme des sous-vêtements, le message véhiculé est clair : les soutiens gorges et strings Victoria’s Secret sont destinés à donner au corps la forme idéale représentée par les VS Angels. Ceux des nouvelles marques sont plus naturels, et adaptés aux corps des clientes, pour les faire se sentir bien dans leur propre corps, quelle que soit leur morphologie.
L’essor des collections de loungewear, symbolisant la génération « Netflix & Chill », est également un marqueur de cette tendance au confort avant tout. En cette période de confinement, vous remarquerez d’ailleurs que ces vêtements d’intérieur nous sont d’un grand service !

Modèles des collections « Lounge » de Skims, ligne de sous-vêtements créée par Kim Kardashian
VERS UNE LINGERIE RESPECTUEUSE DE SOI ET DE LA PLANÈTE
Dans la continuité d’un plus grand attrait pour de la lingerie confortable et adaptée au corps de toutes les femmes, les acheteuses d’aujourd’hui sont également de plus en plus attentives à la façon dont leurs dessous sont fabriqués. C’est une préoccupation qui fait sens à la fois pour la santé et l’hygiène intime, mais aussi vis-à-vis du poids de l’industrie textile sur l’environnement, qui est, rappelons-le, la 2e industrie la plus polluante après celle du pétrole.
Ainsi, les petites marques de lingerie engagées dans une production plus éthique et respectueuse de l’environnement ont la côte auprès d’une clientèle grandissante : made in France, textiles biologiques ou recyclés, label Oeko-Tex (textiles non nocifs) ou GOTS (coton bio)…
En affichant leur engagement au service des femmes et de la planète, des marques comme Olly (voir leur manifeste ici) font de ce positionnement un argument de vente qui fonctionne.
La marque danoise OrganicBasics est également un exemple de ce nouveau positionnement, en vendant des sous-vêtements fabriqués à base de coton, nylon et tencel recyclés, et qui intègrent la technologie Silvertech (fils d’argent dans le tissu) permettant de neutraliser bactéries et mauvaises odeurs, et nécessitant ainsi moins des lavages moins fréquents.
On peut par ailleurs citer comme signe de ce tournant écologique le succès croissant des culottes menstruelles, qui deviennent une alternative durable aux protections hygiéniques dont les effets néfastes pour la santé et le compte bancaire ne sont plus à prouver.
Conscientes de cette évolution qui touche, au-delà de la lingerie, tous les secteurs de production, plusieurs marques traditionnelles de lingerie lancent peu à peu des collection « durables », comme l’a fait Intimissimi cette année avec sa Green Collection : traçabilité des matières, faible empreinte écologique, respect des certifications en matière durable et biologique, les fabricants tiennent à se maintenir à la page, sans faire de compromissions sur l’esthétique des modèles.

La « Green Collection » d’Intimissimi, lancée en février 2020


_By Fatou Gueye

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